1.
Comme il m’a été demandé par plusieurs personnes, je vais essayer de dire pourquoi, comment j’en suis venu subitement à aller à la Pierre Qui Vire (PQV). Hélas, ma mémoire risque de mélanger un peu les événements. Cela demandera nécessairement de croire que je crois en ce que je dis aussi irrationnel ou explicable d’autres manières, que ce soit.
2. (entre 20 et 35 ans)
Vous m’avez tous connu dans ma période de non-croyant en recherche, qui était plutôt de croyant en doute comme a su le déceler un prêtre français, à Lisbonne, bien avant moi (cf. §11). A l’origine du basculement, il y a la croyance en trois éléments :
- L’évolution (et le modèle du big-bang)
- L’amour (cf. §31)
- Que deux personnes qui s’aiment peuvent être en communication de forme immatérielle.
La seconde proposition découle de la troisième qui découle de mon expérience (cf. § 21,22,23). Or, ces trois croyances je les ai depuis plus d’une dizaine d’années avec plus ou moins d’assurance. Ce qui a changé, c’est l’acceptation de croire !
Avec la remise en question du savoir inculqué par mes parents, j’ai décidé de fonder ma vie sur des bases solides, défendables et donc sur du rationnel. Ma culture scientifique ne pouvait que m’y encourager. Tout ce que je faisais devait donc être le fruit d’une réflexion s’appuyant sur du concret. Cependant, petit à petit, je me suis aperçu que je prenais en compte mon feeling/ressenti dans mes choix. Au point d’en être gêné quant à ma cohérence : entre ce que je prétends et la réalité. Il me semble que, la veille du basculement (~10/2003), j’ai accepté de démolir la tour de rationalité qui était ma fierté et sur laquelle je prétendais qu’était fondée ma vie et d’accepter (enfin) l’irrationnel qui me faisait un peu honte. Le lendemain soir me vint l’idée de la possible inclusion de mes croyances dans la foi chrétienne, sans doute inspiré par le mot Amour. Et tout à coup, voilà que je peux réaliser un désir : être moine(cf. §40)
3. (2003-2004)
Me voilà croyant affirmé. Pourquoi catholique et pourquoi la PQV. Tout d’abord parce que je suis de culture catholique. Ainsi, le mot Amour qui m’a éloigné de l’Eglise est sans doute celui qui m’a fait penser que, peut-être, ma foi pouvait s’exprimer dans la religion catholique. Avec un Dieu Trinitaire que je modélisais en Amour créateur, Amour incarné, Amour unificateur. Et ce serait par l’Esprit Saint que les personnes qui s’aiment seraient en relation. Mais il fallait que quelqu’un de l’Eglise confirme que ma foi n’était pas hérétique.
Ensuite, le manque de prêtre, et l’image que j’avais de certains du Portugal, m’ont poussé à mettre en veille mon désir monastique. Je croyais ne pas être plus « mauvais » que quelques-uns dont j’avais entendu parler. Je m’étais donné jusqu’en juin pour voir si mes services pouvaient intéresser l’Eglise portugaise. Après de frileuses démarches, qui n’aboutirent pas, j’ai pu me tourner vers le monachisme français (pour éviter les problèmes culturels). J’ai cherché sur internet ce qui se disait, j’ai visité les présentations de divers ordres et j’ai été attiré par les cisterciens. Me méfiant du sud de la France, et peu enthousiaste du silence supposé de la stricte observance, j’hésitais un peu. Finalement, j’ai opté pour contacter Cîteaux et, à défaut, une communauté bénédictine dont j’avais apprécié la page web et dont le nom m’était resté en tête. Il faut dire que je devais me dépêcher si je voulais pouvoir les visiter durant mes deux semaines de vacances d’août. Comme j’en avais parlé à ma grand-mère, celle-ci m’écrit qu’un livre venait de tomber de sa bibliothèque dont l’auteur est un moine de la PQV. Mon second choix passa en tête. Ceci dit, j’étais très mal à l’aise à 36 ans, recommençant d’environ 6 mois sans aucune connaissance du monde monastique pour faire acte de candidature. Je décide donc de contacter Cîteaux en premier afin de pouvoir améliorer mon mail à la PQV, suivant leur réponse. Hélas, mon mail a été refusé 3 fois par leur antivirus. J’envoie donc un mail à la PQV qui rapidement répond que je peux passer quelques jours pour en discuter.
4.
Depuis, d’autres expériences et réflexions me confirment dans le choix du catholicisme.
Je n’arrivais pas à bien englober ce rêve du mariage de T. (cf. §23) dans ma croyance de relation entre ceux qui s’aiment. En effet, quand son premier fils est né à ma date anniversaire, je me suis dit : étrange ! si elle avait voulu m’ignorer. Mais, bon !coïncidence. Puis, le deuxième à la même date anniversaire ! ! ! Je suis suffisamment égocentrique pour me dire qu’il y a un signe. De plus, quand je l’avais vue entretemps, plus que de la politesse pour un ami de la famille, il m’avait semblé percevoir des allusions au passé. Or, si ce n’est pas elle qui voulait m’éloigner (ce que j’ai ressenti de la 2° partie du rêve) qui ? Qui m’aimait assez pour être en contact et aurait le désir que je m’écarte. Je ne voyais personne. J’ai trouvé dans la foi catholique un possible élément de réponse.
24.(2004)
Mais l’expérience la plus forte, précise pour moi s’est passée le 15 août 2004. AL (une mexicaine) devait venir mais cette venue paraissait folie à mon entourage une fois que j’avais le désir de devenir moine. A l’époque, je ne comprenais pas, car les même personnes voulaient profiter de ma présence avant que j’entre en clôture. Mon envie (notre envie) de nous revoir une dernière fois, projet voulu de longue date, me paraissait légitime. C’était une période un peu troublée pour moi. Comme j’en avais repris l’habitude, je vais à l’église de mon village. Pas de messe. Bon, je me dirige vers la ville et, sur le chemin, je vois beaucoup de gens monter à pied. Je demande s’ils vont à Faro (une chapelle) et ils me disent qu’il va y avoir une messe dans un peu plus d’une heure. Je décide d’y aller et de demander à Dieu de me faire un signe oui ou non faire venir AL , puisque j’allais être en avance. A l’église, je prie, médite sur ce que je vais demander … Bref, je demande un signe (quelque chose lié au Mexique que je ressente comme signe) dans un délai de trois jours. Puis, la messe commence et, à la fin, le prêtre annonce que l’on va prier pour le congrès de Mexico sur l’Eucharistie qui débute le 10 octobre (date prévue du retour d’AL à Mexico). Pour cela est distribué un feuillet (qui me garantit que je n’ai pas rêvé). J’étais plus que surpris. Ma foi n’est pas à toute épreuve et j’avais du mal à interpréter le pourquoi de la date de retour plutôt que d’arrivée. Mais bon, c’est moi qui ai posé la question et avais décidé de ce qui serait une réponse positive. Si je veux être cohérent soit je n’y crois pas, et alors pourquoi demander, soit j’accepte et en tire les conséquences. Dont l’une est que le Dieu auquel j’ai fait ma demande existe, que le lieu et la foi dans laquelle j’ai prié sont à son goût. En ce qui concerne la date, c’est une histoire. Le billet lui est parvenu (acheté par internet). Moins d’une semaine avant son départ, son père meurt. Elle reporte le voyage d’une semaine mais, comme c’est elle qui échange les billets, je ne sais pas quand elle retournera chez elle. Enfin pour moi s’élucide le pourquoi pas la date de départ. Je décide, bien sûr, de ne pas lui parler de la date. A son arrivée, elle me dit qu’elle repart deux semaines après la date prévue. Finalement, le 10 octobre a été l’un des jours les plus forts de notre rencontre. Je crois que ces jours là elle a été vraiment heureuse (alors que les autres étaient souvent marqués par une déprime, elle venait de perdre la personne qui lui était la plus chère après son fils).
5.
Dans ce que je crois être ma relation avec Dieu, je retrouve cette notion d’histoire. Il ne s’agit pas seulement de plusieurs coïncidences indépendantes mais j’y vois une sorte de dialogue, d’approximation, d’apprivoisement. Enfin, il y a dans la Bible souvent une annonce et, conjointement, un témoin, un symbole (au sens grec). Il y a la foi révélée que l’on trouve dans la Bible, chez les autres croyants, bref dans l’Eglise que viennent confirmer, en certains points, des expériences propres.
Ainsi, si demain l’Eglise me disait que, finalement, la présence du Christ n’est pas permanente dans l’hostie consacrée, je serais étonné, je demanderais des explications mais, comme c’est une partie qui m’est révélée de ma foi, cela ne me poserait pas de problème majeur, ni ne remettrait en cause mon adoration du Saint Sacrement.
6.
Mais avec tous ces signes où est ma liberté ?
Je crois pouvoir dire que, dès mon plus jeune âge, j’ai désiré (à la mesure de ce que j’étais) suivre le Christ (cf. §10). Qu’est-ce qui m’en a empêché ? Moi et mon rationalisme, une exagération de l’esprit scientifique. Puis, j’ai eu le désir de vivre en communauté (cf. § 40) mais dans une communauté autour de Dieu. Qui permit de faire ce qu’au fond de moi je désirais. Qui m’a libéré ? Et, pour moi, ce ne sont pas des paroles théoriques du style Dieu est bon, Dieu est Amour, Dieu libère ; pour moi c’est très concret. De toute façon, j’ai suffisamment d’esprit critique ( peut-être pas assez diront certains) pour refuser l’interprétation du signe et le considérer comme coïncidence. Je peux refuser de croire, je l’ai fait pendant plus de 10 ans, mais alors j’occulte une partie de moi.
7.
Dans tout cela, n’apparaît pas la Vierge Marie, le mariage des prêtres, l’infaillibilité du Pape, la morale sexuelle, qui sont des sujets qui semblent être médiatiques, car pour moi ce sont des centres d’intérêt secondaires
10. (avant mes 6 ans)
J’ai été baptisé fin décembre 1968. J’ai des souvenirs d’église ou de chapelle et maman, très tôt, a dû me parler de Dieu. Pourtant, mon premier souvenir se passe par hasard chez la voisine du dessus, amie de ma sœur (L.). Une figurine sur un meuble attire mon regard. Un homme courbé porte une croix. Je leur demande pourquoi cet homme porte une si lourde croix. Après leurs explications, j’ai eu le désir de suivre cet homme.
11. (vers 18 ans)
Plus ou moins actif à la paroisse et après avoir assisté une année à l’animation du précatéchisme, j’ai essayé de faire le bilan pour soit m’y investir soit arrêter. Entre autres, j’ai cherché des questions enfantines : simples, évidentes et très difficiles à répondre. La première qui me soit venue est qui est / qu’est-ce que Dieu ?. J’avais bien sûr une réponse : l’amour. Or, à l’époque, je doutais fortement que l’amour véritable existe (cf. 32). Cela m’a interpellé dans ma foi ! Je ne croyais donc plus au mot Dieu, un mot vide pour moi. Je me suis donc écarté de l’église, par décence pour les vrais croyants [à tort, je m’en rends compte aujourd’hui].
21. (vers 18 ans)
J’ai commencé à croire ( mais en voie de vérification) aux prémonitions.
Quelques coïncidences :
J’avais une bonne amie E., à Mont Saint Aignan. Après avoir déménagé, plusieurs fois par an me prenait l’envie de lui écrire puis ne trouvant rien à dire, je remettais au ‘lendemain’. Un jour pourtant je lui ai envoyé une lettre et, dans sa réponse, elle m’apprit qu’un de ses parents était mort peu de jour avant (une semaine). Et, détail, elle savait que maman était morte.
En rentrant à la maison, sur le chemin, j’ai eu l’idée d’aller voir une amie M. pour lui demander quelque chose. Après quelques minutes me vient l’intuition qu’il fallait que je courre, sinon elle ne serait pas là. J’étais fier d’avoir des prémonitions mais de là à courir… Je déclare fausse l’idée mais elle insiste. Trouvant en elle un sujet valable d’expérience je cours. Je trouve M. vélo en main en train de fermer sa porte à clé.
Il y a beaucoup d’autres expériences moins précises qui m’ont fait aboutir à une méthode. Par fierté, je me crée des intuitions mais celles-ci une fois mises en doute (je les sens moins) laissent tomber. Les autres sont vivaces.
22.(vers 23 ans)
A Strasbourg, j’avais pris l’habitude de faire le tour du quartier plusieurs fois par jour. Sur mon parcours, je passais en vue de la fenêtre de T. dont j’étais amoureux. Il n’y avait donc rien d’étrange à ce qu’elle remarque que, quand elle rentrait d’un voyage, d’un WE … peu de temps après je me pointais chez elle. Une année, elle était partie en voyage 2 ou 3 semaines et ne m’avait pas dit quand elle rentrerait, ne le sachant sans doute pas elle-même. Un soir, alors que je m’étais couché et essayais de dormir, l’idée me vint qu’elle était rentrée. Durant près d’une demi-heure j’ai essayé d’évacuer la pensée. En désespoir de cause je me lève, m’habille et sors, en me promettant une chose : si elle est rentrée, j’accepte les prémonitions ; sinon j’écris l’événement afin de ne pas tomber dans le piège de ne me souvenir que quand cela marche ( et donc de ne plus me laisser influencer par l’intuition). Je fais mon tour et ne vois aucun signe d’elle, ni lumière, ni voiture. J’ai bien pensé aller sonner chez elle mais bon, quand on perd, il faut l’accepter. Mes sentiments alors étaient mitigés. Rassuré dans mon rationalisme mais déçu de ne pas avoir de prémonitions. Le soir j’écris à C. (une autre amie), le lendemain matin je poste. L’après-midi, je note le retour de la vacancière qui me dit qu’elle était rentrée la veille et, après calcul, moins d’une heure avant mon intuition.
23.
Au Portugal, j’ai fait un rêve.
J’accompagnais T. et son mari qui devait partir à la guerre par le train. En attendant le départ, nous sommes assis à la table d’un café. Puis, elle l’accompagne sur le quai, ils se disent au revoir et quand elle revient, elle passe devant moi sans me voir, comme si je n’existais pas. Je me réveillai avec la conviction qu’elle allait se marier et qu’elle allait complètement m’oublier (rien de plus normal direz-vous, mais elle est comme une sœur pour moi). J’étais à ce point convaincu que je lui écris en lui racontant le rêve et, très blessé, lui dis de ne pas m’inviter à son mariage. Le dimanche suivant, on m’apprenait qu’elle allait se marier.
31.
Ce que j’entends par amour, c’est le sentiment/désir (pur) qui nous pousse à vouloir le bien d’autrui. Il peut avoir différentes intensités, expressions, ressentis et alliages(notamment avec le désir et l’intérêt). L’affection, l’amour, l’amitié sont des sentiments faisant appel à un Amour plus ou moins intense et pur. 3 essais d’exemple
Intensité | Désir | Intérêt | Expression | |
L’amitié | Moyenne | +/- ou 0 | En général | Modéré : compagnie, cadeau |
Amour conjugal | Forte | Très souvent | +/- | Forte : union |
Amour filial père / fils | Forte | 0 | Parfois | Forte puis moyenne |
Je pense qu’aujourd’hui l’amour filial est très proche de l’amour pur car si avant on comptait sur les enfants pour aider très tôt (à la maison ou au travail) ou pour ses vieux jours, l’expérience actuelle n’incite pas à investir en espérant un retour.
40. (1988-1991)
Bien que fortement solitaire, l’expérience communautaire de Châlons me donne vraiment envie de vivre cela mais en vérité. Et cela, à mon avis, ne peut que se faire dans la foi en un Dieu unique, car il est nécessaire que chacun se dépasse et que tous les efforts convergent vers la même finalité qui est le ciment de la communauté ( vu sous l’angle non-croyant que j’avais alors). Je n’avais qu’une idée vague de la vie monastique (qui plus est plurielle) avec répartition des heures entre prière, étude, travail, repas et repos ; qui m’aurait attiré si j’avais eu la foi. On m’a dit qu’il existait des communautés laïques mais j’avais un a priori, les comparants à ce que j’avais vécu aux Arts.